Un texte de Saint Jean CASSIEN (IV-V ème siècle)

 

Moine et fondateur de couvents à Marseille. Né en Roumanie, vers 360 il meurt à Marseille, vers 435. Cassien naquit en Roumanie, dans une région de langue latine mais où la classe intellectuelle parlait alors le grec. Fuyant l'invasion des Goths vers 378, Cassien quitta sa patrie pour Bethléem, qui était alors un important centre du monachisme. Mais, insatisfait du genre de vie menée là, il se rend en Égypte, où, il vécut dans un milieu influencé par la théologie d'Origène ; ce courant du monachisme ayant été condamné par l'archevêque d'Alexandrie, Cassien se rendit en 399 à Constantinople et devint diacre auprès de Jean Chrysostome, protecteur de l'origénisme ; en 403, ce dernier, après avoir été écarté de son siège épiscopal, chargea Jean Cassien de porter un message au pape Innocent Ier. Après son séjour à Rome (405), on perd ensuite la trace de Jean Cassien jusqu'en 415, date à laquelle on le retrouve en Provence, où le monachisme connaît alors un grand essor . À Marseille, Cassien fonde deux couvents, l'un pour femmes ( Saint-Sauveur), l'autre pour hommes (Saint-Victor). C'est alors que, pour répondre à la sollicitation de Castor, évêque d'Apt, désireux de fonder à son tour un couvent dans sa ville et de connaître l'enseignement que Cassien avait reçu dans le désert d'Égypte, ce dernier composa en latin ses Institutions cénobitiques et ses Conférences (sur les Pères), ouvrages qui après avoir inspiré saint Benoît, allaient, pendant des siècles, figurer dans toutes les bibliothèques monastiques.

 

 

SUR L'INTÉRIORISATION DE LA PAROLE....

 

Dieu éclairera celui qui cherche sa lumière et le rassasiera de la vue des mystères les plus sublimes et les plus cachés ... La vive ardeur de son âme le fait ressembler à un cerf spirituel qui paît sur les montagnes des prophètes et des apôtres... Vivifié par cet aliment dont il ne cesse de se nourrir, il se pénètre à ce point de tous les sentiments exprimés par les psaumes qu'il les récite désormais, non comme ayant été composés par le prophète, mais comme s'il en était lui-même l'auteur, et comme une prière personnelle dans les sentiments de la plus profonde componction ; au moins estime-t-il qu'ils ont été faits pour lui et il connaît que ce qu'ils expriment ne s'est pas réalisé autrefois seulement en la personne du prophète, mais trouve encore en lui, tous les jours, son accomplissement.
Les divines Ecritures se découvrent à nous plus clairement, leur cœur en quelque sorte et leur moelle nous sont manifestés lorsque notre expérience non seulement nous permet d'en prendre connaissance mais en quelque sorte anticipe cette connaissance. Le sens des mots ne nous est pas découvert par une explication mais par l'expérience que nous en avons fait.…
Pénétrés des mêmes sentiments dans lesquels le psaume a été composé, nous en devenons pour ainsi dire les auteurs, et nous en prévenons pour ainsi dire la pensée plutôt que nous la suivons ; nous saisissons le sens avant de connaître la lettre.
Ce sont des souvenirs qu'éveillent en nous les paroles saintes, souvenirs des assauts quotidiens que nous avons soutenus et soutenons encore, des effets de la négligence ou des conquêtes de notre zèle, des bienfaits de la divine providence et des duperies de l'ennemi, des méfaits de l'oubli... des tares dues à la fragilité humaine et de l'aveuglement d'une ignorance imprévoyante... ce n'est pas la lecture qui fait pénétrer le sens des paroles mais l'expérience acquise. Par cette voie, notre âme parviendra à la pureté de la prière. Cette prière ne s'occupe à la considération d'aucune image... elle jaillit dans un élan tout de feu... ravie hors de ses sens et de tout le visible ; c'est par des gémissements inénarrables et des soupirs que l'âme s'épanche vers Dieu.

 

SAINT CASSIEN- IV°- V° S
" Collationes X,11 "