Saint Jean Cassien

 

Sa vie et son Œuvre 

Jean Cassien est né vers 360 pour certains, vers 365 pour d’autres, dans l’Europe centrale, l’actuelle Roumanie. Jean Cassien est une figure assez étonnante du Ve siècle naissant. Une vaste culture et de nombreux voyages lui ont permis d’exercer une influence considérable sur son temps et dans les siècles suivants. Formé parmi les moines d’Égypte, ordonné diacre par Jean Chrysostome, Cassien finira sa vie à Marseille où il fondera deux couvents.
L’élément le plus marquant du séjour de Cassien en Provence est sans conteste son activité littéraire. À la demande d’évêques ou de moines de Provence, il rédige pour des moines cénobites ou ermites existant déjà dans la région, les Institutions cénobitiques (cénobitique = concernant les moines vivant en communauté) (en 421) et les Conférences spirituelles (vers 426), qui rapportent l’enseignement reçu des Pères du désert.
Complément des "Institutiones" les 24 conférences constituent à proprement parler le premier texte fondateur du monachisme occidental.
Les conférences sont de petits textes destinés à répondre et à introduire aux différents aspects de la vie monastique. Les œuvres de Cassien appartiennent au patrimoine de l’Orient et de l’Occident. Elles ont été traduites en grec dès le IXe siècle. Cassien établit un pont entre le monachisme d’Orient et celui d’Occident.
Cassien s’est formé à l’école non seulement des moines des déserts d’Égypte, et tout spécialement de Scété sur lesquels Évagre a exercé une grande influence mais aussi des Pères grecs. Il dit lui-même que Jean Chrysostome lui a tout appris. Il présente en quelque sorte la démarche ascétique des moines d’Égypte en lui donnant pour fondement l’enseignement des Pères grecs. Cassien a apporté en Occident l’essentiel de la spiritualité orientale.
De son temps, Cassien a eu un grand impact spirituel sur les moines provençaux à cause de sa connaissance du monachisme égyptien. Bénédictins, chanoines, dominicains l’ont considéré par la suite comme un maître spirituel et il est encore lu dans les milieux monastiques. Son influence sur les dominicains est assez intéressante. Saint Dominique, saint Thomas, se sont formés à l’école de Cassien; et tous les premiers frères de l’Ordre aussi, si l’on en croit Humbert de Romans qui place Cassien parmi les livres que le maître des novices doit faire lire au noviciat.

Celui qui regarde en arrière est inutilisable pour le Royaume

 

Textes de SAINT JEAN CASSIEN


Extraits de Conférences II

 

Dans son oeuvre, Jean Cassien parle souvent de la manière dont le moine doit fréquenter et mémoriser la Parole, pour s’en pénétrer et en vivre. Ses recommandations rejoignent tous les croyants désireux de mieux contempler, connaître et savourer la Parole


Acquérir l’humilité pour fréquenter et mémoriser la Parole



« Gardez-vous donc de vous laisser entraîner à donner des leçons aux autres par l'exemple de quelques-uns. Ils ont acquis de l'habileté à discourir une parole aisée qui semble couler de source. Mais c'est tout autre chose d'avoir quelques facilités de parole, et de l'éclat dans le discours ou d'entrer jusqu'au cœur et à la moelle des paroles célestes, et d'en contempler du regard très pur du cœur les mystères profonds et cachés. Ceci, la science humaine ne l'obtiendra pas, ni la culture du siècle, mais la seule pureté de l'âme par l'illumination du Saint-Esprit.
Oui, si vous voulez parvenir à la science véritable des Écritures, hâtez-vous d'abord d'acquérir une inébranlable humilité de cœur. C'est elle qui vous conduira non pas à la science qui enfle, mais à celle qui illumine par la consommation de la charité. Il est impossible que l'âme qui n'est pas pure obtienne le don de la science spirituelle. Évitez donc avec le plus grand soin que votre zèle dans la lecture (...) ne vous devienne une cause de perdition, par de vaines prétentions. »




Nécessité de purifier le coeur pour fréquenter et mémoriser la Parole



«Si vous voulez élever dans votre cœur le tabernacle saint de la science spirituelle, purifiez-vous de la souillure de tous les vices, débarrassez-vous des soucis du siècle présent. Il est impossible que l'âme occupée, même modérément, par les préoccupations envahissantes de ce monde, mérite le don de la science ou soit féconde en intelligence spirituelle, ou encore retienne avec fermeté les saintes lectures qu'elle a pu faire.

À propos de ceux qui paraissent avoir quelque semblant de science, ou qui, tout en s'adonnant avec ardeur à lire les textes saints et à les apprendre de mémoire, ne quittent point les vices de la chair, les Proverbes ont cette expression fort heureuse : " Comme un anneau d'or au groin d'un porc, ainsi en va-t-il de la beauté d'une femme de mauvaise vie » (Pr 11,22). Car quel avantage pour l'homme de posséder les joyaux des célestes paroles et les beautés sans prix des Ecritures si, par ses œuvres et ses pensées, il s'enlise dans la boue ?

Qui n'a pas une âme pure ne saurait acquérir la science spirituelle, si assidu qu'il puisse être à la lecture. L'on ne confie pas à un vase infect et fétide un parfum de qualité, un miel excellent, une liqueur précieuse. Le vase pénétré de senteurs repoussantes infectera plus facilement le parfum le plus odorant qu'il n'en recevra lui-même quelque suavité ou agrément; car ce qui est pur se corrompt plus vite que ce qui est corrompu ne se purifie. Il en va de même du récipient de notre cœur. S'il n'est pas d'abord entièrement purifié de la contagion fétide des vices, il ne gardera pas sans tache [...] les paroles de l'Écriture "qui sont plus douces que le miel et que le rayon ruisselant "».

Celui qui regarde en arrière est inutilisable pour le Royaume