Marcel Jousse nous a fait redécouvrir l'oralité et
son importance dans la transmission de la foi et de son contenu.
Voici un extrait de ses conférences. Bine que datant de 1937,
le contenu n'a pas perdu de son actualité.
Cet article est extrait du livre de Gabrielle Baron "Introduction
au style oral de l'évangile d'après les travaux de
Marcel Jousse" Ed Centurion - p. 41-42
L'enseignement doctrinal de Rabbi
Iéshoua de Nazareth
Au lieu d'enseignement, j'aurais dû mettre
« catéchisme », rendant ainsi à ce mot tout
son sens pédagogique de « répétition en
écho »,
« Dès que nous sommes dans
l'Évangile, répétait Jousse dans ses cours, la
question se pose, nette : nous ne sommes pas dans la
prédication, nous sommes dans la
rythmo-catéchistique et donc dans la mémorisation
et la remémoration.
« Le catéchisme, si on le comprenait,
c'est tout le mécanisme de la mémoire humaine. La
catéchisation, c'est la répétition en
écho. I1 y a une chose qu'on a parfaitement oubliée
dans nos catéchismes, c'est la signification même de ce
mot très caractéristique cat-éch-isme. Dans son
plein sens étymologique, c'est la Mishnâh ou
répétition orale en écho.
« Dans l'Église catholique, ce que
nous avons gardé de véritablement traditionnel,
d'intouché, de sacré, c'est le mimodrame de la
Consécration. Ce grand geste sacré du prêtre
à l'autel qui continue depuis 2000 ans son écho
gestuel et oral. Il n'y a que cela qui a été
préservé. On a gardé intacte cette chose
intouchée sans se rendre compte que nous avions là la
source même du catéchisme de Jésus. C'est en
partant de là que notre "catéchisme" devra reprendre
vie.
« Comment pourrons-nous passer de notre petit
résidu de théologie qu'on appelle actuellement le
catéchisme, à la puissante pédagogie
rythmo-catéchistique de Jésus? Je crois que ce sera par
l'intermédiaire des mères qui s'initieront
profondément à cet enseignement vivant et qui le
distribueront goutte à goutte, à leur foyer, et de
foyer en foyer à leur milieu social au fur et à mesure
que la réceptivité se fera plus grande. Cela demandera
peut-être 200 ou 300 ans, sinon plus. On ne fait pas des
révolutions si facilement que cela. Nous avons mis 2000 ans
pour arriver à la sclérose et au vide où nous
sommes. Si nous mettons 500 ans à revenir à la
plénitude du geste significatif et de la parole vivante, ce
sera très beau.
« Alors l'Évangile redevenu la
Besôretâ, l'Annonce orale, sera immédiatement en
puissance de demandes, de questions pour une information plus grande.
On en arrivera à comprendre et à apprendre ce qu'est la
Tôrâh...
« Je crois qu'il y aurait un moyen de faire
une initiation qui laisserait l'enfant, non pas
dégoûté mais, au contraire, en appétit et
affamé de connaître davantage. Cela a été
mon cas. Je n'ai jamais cessé d'étudier le milieu
d'Israël depuis que je suis capable de prononcer des syllabes.
Les premières syllabes que j'ai prononcées ont
été des syllabes évangéliques. Vous
pensez un peu tout ce que cela peut jeter dans la vie d'un homme ! De
là ceux qui me connaissent savent l'amour puissant que j'ai
porté à l'étude de cet être formidable
qu'est Rabbi léshoua de Nazareth. D'autres pourront
certainement pousser cette étude plus loin que moi, mais elle
est à faire... »
(Hautes Études, 30-11-1937.)