ÉCOUTER LA PAROLE

 

A propos du repos du septième jour

Conférence de Bernard FRINKING (2002)

 

Nous avons déjà fait paraître des extraits de conférences enregistrées lors de sessions ou week-end de la Fraternité. Il nous a paru intéressant de garder le caractère oral du texte. Nous espérons que cela ne gènera pas la compréhension pour le lecteur.




Le Shabbat

Le Shabbat, c'est le repos.
Pour bien faire, il faudrait que je lise plusieurs textes. Après la Torah, le Pentateuque, la Torah écrite par Moshé, il y a l'apparition des prophètes. On peut dire (bien que les Juifs orthodoxes ne l'acceptent pas), que les prophètes représentent un certain progrès par rapport aux premiers enseignements.
Si je lis Isaïe, qu'est ce qu'il dit? Je ne commence pas au début et pourtant je devrais. Isaïe est debout entre ciel et terre. Il lève sa main. Il prend le ciel à témoin et la terre aussi. Il dit :
(Is 1,2): "Cieux, écoutez terre prête l'oreille, car le Seigneur va parler. J'ai élevé et fait grandir des fils (formule balancée) (des fils, des disciples); et ils se sont rebellés contre moi. Le bœuf connaît son possesseur et l'âne la mangeoire de son maître....
verset 10 "écoutez la parole du Seigneur, chef de Sodome; prêtez l'oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe; à quoi me sert la multitude de vos sacrifices? dit le Seigneur. Je suis rassasié d'holocaustes de béliers et de la graisse de bêtes grasses et je ne prends pas plaisir au sang des taureaux et des agneaux et des boucs. Quand vous venez pour paraître devant ma face, qui a demandé cela de vos mains que vous fouliez mes parvis? Ne continuez pas de porter des vaines offrandes. L'encens m'est une abomination. La nouvelle lune et le shabbat, la convocation des assemblées, je ne puis supporter l'iniquité et la fête solennelle" (C'est Dieu qui parle) "Vos nouvelles lunes et vos assemblées mon âme les hait; elles me sont à charge; je suis las de les supporter! Et quand vous étendrez vos mains, je cacherai devant vous mes yeux. Quand même vous multiplierez les prières, je n'écouterai pas. Vos mains sont pleines de sang; lavez-vous, purifiez-vous; ôtez de devant mes yeux le mal de vos actions; cessez de mal faire! Apprenez à bien faire; recherchez les justes jugements; rendez heureux l'opprimé (ça sonne encore aujourd'hui), faites droit à l'orphelin, plaidez la cause de la veuve."
Vous voyez comment ici la prise de conscience que toutes ces actions extérieures ne plaisent pas à Dieu. Il veut le changement du cœur: le Shabbat d'extérieur est dépassé.
Dans le Nouveau Testament, les chrétiens célèbrent-ils le Shabbat?
Oui, ils célèbrent le Shabbat, mais tous les jours. Tous les jours, ils se reposent en Dieu. Tous les jours, à tout moment. Le Shabbat, le samedi où les Juifs cessent le travail est complètement dépassé. Nous sommes censés nous reposer en tout temps en lui.
Comment on le fait? On se met dans le fauteuil? on se couche? non! par la prière incessante; par le noùs de l'âme continuellement dirigé vers lui. Pas seulement un jour en ne faisant que des choses extérieures (je ne dis pas que les Juifs ne font que des choses extérieures, entendez-moi), mais en le faisant jour et nuit, sept jours par semaine, étant dirigés par le Souffle Saint de Dieu.
C'est un très grand thème, le dépassement du Shabbat par le repos du Seigneur dans le tombeau et notre travail sera notamment de comprendre quel est ce "tombeau taillé dans le roc" dans lequel il se repose et qu'il a fait éclater, à travers lequel il est sorti.
Vous voyez que la lecture d'un certain nombre de mots, d'expressions nous ouvrent des portes grandes. Un appel à la vie en plénitude avec lui.


Nous avons à poursuivre le travail sur le Shabbat, retrouver son origine, prendre conscience de son importance dans la vie juive: l'observation du Shabbat est le contrat de mariage avec Dieu.
Le Shabbat est donc au cœur même de l'expérience de notre rencontre avec lui.
Et puis il faut relire les textes, notamment de St Paul sur le dépassement de ce Shabbat, tel que les Juifs l'ont vécu et tel que nous sommes invités à le vivre.
Comment se fait-il qu'il y a une telle différence? Quel est donc le changement qui est intervenu?
Je dirai là une seule phrase, vu le temps que nous avons: quand Adam et Ève ont désobéi, l'avertissement de Dieu s'est accompli: ils se sont séparés de la source de vie.
Et quand nous sommes nés, nous étions dans cette situation, comme héritiers de cette séparation. La gloire de Dieu s'était retirée d'eux et ils se sont retrouvés nus. Et la mort est venue dans le monde. Ils ont été chassés du jardin; ils ont été jetés dehors du paradis et d'une certaine façon, Dieu a été mis dehors aussi. Le prince de ce monde a pris le pouvoir à travers l'homme et la femme.
Mais petit à petit, Dieu a repris son initiative. Quand les hommes ont construit la tour de Babel (et c'est un thème d'une très grande actualité), Dieu a détruit cette tour; il a dispersé les hommes sur toute la terre. Il a donné l'ordre de se disperser. Les hommes n'ont pas obéi. Il a divisé leurs langues pour qu'ils ne puissent pas se réunir contre son œuvre.
Quand il a dispersé l'humanité, il a pu planter une semence dans cette terre. Cette semence qu'il a plantée, c'était Abraham et il lui a donné la promesse d'une nouvelle terre, d'une nouvelle descendance, un peuple nombreux comme le sable sur le bord de la mer.
Il lui a demandé de sacrifier son descendant d'où devait sortir ce peuple-là. Abraham l'a sacrifié, c'est-à-dire fait sacré, séparé et sous cet angle-là, Dieu a accepté son sacrifice mais il n'a pas pris la vie.
Et d'Is'châq est sorti un peuple sacrifié, ça veut dire "fait sacré", c'est à dire "séparé", un peuple de prêtres; et à ce peuple de prêtres Dieu a donné une Torah, plus tard, à travers Moshè; et cette Torah indique au peuple de prêtres comment il va vivre une vie de prêtres dans le monde.
Car avant l'Incarnation, Dieu ne pouvait pas transfigurer le cœur de l'homme. Il n'était pas encore en lui par le Saint-Esprit parmi son peuple. Dieu a révélé à ce peuple son désir. Le désir de Dieu, c'était être connu des hommes et le désir plus profond de Dieu qu'il a révélé au peuple d'Israël, c'était d'habiter parmi son peuple, d'être parmi eux, agissant, parlant, les dirigeant. C'est pourquoi Moshè a construit la demeure selon le modèle qu'il avait eu sur la montagne.
Mais le désir du cœur de Dieu était plus profond; il a seulement pu le réaliser grâce à l'Incarnation parce que le désir du cœur de Dieu, c'est d'habiter dans l'homme.
Ainsi, depuis l'Incarnation, depuis le moment où nous avons été intégrés dans son corps, il est en nous plus profond que nos propres membres. Je voudrais que cela pèse d'une façon très précieuse en nous. Il est en nous plus intime que nos propres membres corporels puisque c'est dans notre âme qu'il habite. C'est du dedans qu'il nous agit; ce qui suppose que nous accomplissions sa volonté. Et la volonté de Dieu, vous le savez, n'est pas extérieure à nous. Ce n'est pas comme (je m'excuse de cette comparaison) de la volonté d'un maître pour son chien qui doit faire ce qu'il dit; ou même d'un maître pour son serviteur. Non, la volonté de Dieu, c'est notre propre vie. Nous n'avons d'autre vie que la volonté de Dieu. Et tant que nous n'accomplissons pas la volonté de Dieu, nous n'avons pas de vie. Nous restons dans la mort.
Ainsi depuis l'Incarnation et le don du Saint-Esprit à la Pentecôte, Dieu nous meut du dedans. Il nous transfigure dans la mesure où nous sommes de plus en plus avec lui, où nous prenons conscience de plus en plus profondément de son inhabitation en nous; dans la mesure où nous le connaissons de mieux en mieux.
Ainsi il nous dirige du matin au soir et il vit avec nous une vie d'Époux et d'épouse.
Ainsi le dépassement du Shabbat: le Shabbat était un élément de la pédagogie divine; le Shabbat était son moyen de donner à ce peuple de Dieu un mode de vie différent des nations parce qu'un peuple de prêtres ne peut pas vivre comme les nations; un autre mode de vie radicalement différent. Aujourd'hui encore, les Juifs se distinguent quand ils observent la Torah d'une façon notoire et notable dans la vie de leurs contemporains.
On doit remarquer avec un certain étonnement que ce peuple de prêtres que nous sommes, nous sommes beaucoup appuyés sur le mode de vie de ceux qui nous entourent et nous ne savons pas toujours très bien ce qu'est la vie d'un peuple de prêtres, radicalement différente de la vie des nations. Aujourd'hui, nous devons faire un immense effort pour comprendre, à la lumière de l'Esprit Saint, ce qu'est de vivre en chrétiens au XXI ème siècle, en quoi cela consiste 24 heures par jour.
Il est donc important de comprendre quel est notre Shabbat, comment nous vivons cette réalité, ce Shabbat nouveau, ce repos de Dieu en nous et de nous demander si nous, nous nous reposons en lui.
Alors je vous invite chez vous, dans votre Fraternité à vous pencher sur le thème du Shabbat, notamment comme je le disais à la lumière des textes de St Paul.
Ici je le dis en passant: l'Église, c'est un hôpital et St Paul est un très très grand médecin; j'espère que nous avons aussi des médecins vivants autour de nous. St Paul était un très très grand médecin par le diagnostic des maladies de l'âme; et non seulement par le diagnostic de la maladie mais aussi par les remèdes qu'il donne. C'est ainsi qu'on l'a considéré dans l'Eglise ancienne et notamment dans les textes patristiques. Voilà une remarque sur cet immense sujet.
Donc dépassement du Shabbat ancien, non pas par critique seulement du peuple juif, et de leur observation ou non-observation du Shabbat, mais parce que, depuis l'Incarnation, tout cela est dépassé.
Nous sommes par notre baptême, une nouvelle créature; et cela doit peser très fortement dans notre vie parce quand nous serons devant le trône du jugement, nous serons interrogés sur cette question: qu'as-tu fait de l'Esprit Saint habitant en toi?