(extrait d'un enseignement oral donné dans un
monastère de religieuses contemplatives)
Nous avons entendu ce matin, à l 'office que la Parole est
sagesse, la Parole est aussi un glaive, on a entendu qu'elle est
lumière, et puis, il a été dit qu'elle est
semence. Et quand j'ai entendu cela, je me suis dit: " Il faudra
peut-être dire quelques mots sur cette Parole-semence ce
matin."
Hier, j'ai parlé du Christ pédagogue. Le
pédagogue, c'est celui qui amène les enfants à
grandir et ce matin nous avons entendu parler de l'enfance, de
l'enfant, celui qui est né de Dieu, en qui l'Esprit Saint prie
et crie "Abba". J'ai pensé que l'objectif de cette
pédagogie de Notre Seigneur n'est pas d'amener l'enfant
à l'âge adulte et de le faire vivre dans la
société des hommes, mais de faire de l'homme un enfant,
puisque le Royaume des Cieux, c'est le royaume d'un enfant.
Et quand nous voyons, sur les icônes, la Mère de Dieu
portant un enfant, nous sommes invités à comprendre que
cet enfant-là ne représente pas une période
transitoire dans la vie du Christ, mais qu'il est essentiellement un
enfant et qu'il nous invite à devenir ainsi, tout
abandonné au Père, et recevant de Lui une vie
radicalement nouvelle qui est la vie même de Dieu.
L'objectif de la pédagogie: devenir enfant. Moyen de la
pédagogie: la semence qui est la Parole de Dieu.
Si l'Evangile est l'exposé d'une voie, c'est comme le
manuel du disciple, il faut commencer sa lecture au verset n°1,
puis n°2...
Nous allons toutefois essayer de commencer au chapitre 4 de St
Marc ( c'est un peu le contraire de la pédagogie de Seigneur).
Dans ce chapitre 4, le Christ raconte une petite histoire, que
l'Evangile appelle parabole ( que nous avons traduit par :
comparaison ). Une comparaison indique que l'on compare deux
réalités. Cela nous amène déja à
bien comprendre ce dont il s'agit.
Notre Seigneur est le pédagogue. Nos pères anciens
n'auraient pas, sauf peut-être St Clément d'Alexandrie
utilisé ce mot : ils parlent de "l'économie de Dieu".
L'économie de Dieu, c'est l'action par laquelle il nous
déifie, il nous transmet la vie divine, mais cette
économie de Dieu comporte aussi une pédagogie, un
cheminement; et dans cette pédagogie, vous vous en doutez, il
y a plusieurs niveaux.
Dans la pédagogie du temps, nous avons l'école
primaire puis secondaire, puis certains font des études
supérieures. Dans la pédagogie du Seigneur il y a aussi
des niveaux. Et là, le premier niveau, le tout début,
là où il nous a trouvé, dans l'Evangile, il
s'appelle LE BORD DE LA MER. C'est là où tout commence.
Et dans ce chapitre 4, justement, il se rend au bord de la mer. On
parle en images dans l'Ecriture, c'est beaucoup plus fort. On ne dit
donc pas niveau élémentaire, mais c'est
l'équivalent.
Le bord de la mer, il faut y aller ... vous êtes au bord de
la mer. Mais pas par l'imagination, je vous en prie, n'imaginez rien.
Nos pères nous enseignent qu'il faut éviter
l'imagination. Il faut enfermer la conscience dans la limite des mots
et ne pas en sortir par l'imagination qu'ils appellent, eux, la
"folle du logis".
Néanmoins, nous devons aller avec notre Seigneur au bord de
la mer si nous voulons comprendre. Vous savez qu'au bord de la mer,
on ne peut pas aller plus loin, on ne peut pas aller plus bas; c'est
le point le plus bas. Vous vous rappelez peut-être que dans
l'Ecriture tout est sorti de la mer; toute la création a
commencé dans l'eau. L'eau sur laquelle le Souffle de Dieu,
l'Esprit de Dieu planait dans la première création.
Nous aussi nous sommes sortis de l'eau, du sein maternel. Si nous en
sommes sortis, nous ne pouvons pas y retourner. Si la mer est
l'origine de toute chose on ne peut pas y retourner; y retourner,
c'est la mort.
Ainsi celui qui se tient au bord de la mer se tient au plus bas de
son être. C'est une façon de dire qu'il entre dans les
voies de l'humilité. Celui qui veut entendre le Christ, il
faut qu'il se repente. Autrement dit, qu'il prenne conscience qu'en
rien il va s'appuyer sur ces propres forces, que des forces il n'en a
pas de lui-même. Que le Christ EST sa force. Ainsi quand
l'Evangile dit que le Christ se tient au bord de la mer et parle de
l'argent, et que certains désirent le suivre, c'est que
ceux-là se sont tenus dans l'humilité, dans une
attitude humble, sachant qu'ils ne peuvent pas se sauver
eux-mêmes, qu'ils ont besoin d'un Sauveur. Finalement, c'est au
bord de la mer que le Seigneur nous a trouvés aussi. Vous ne
seriez pas dans ce lieu sans cela. Donc, le bord de la mer, c'est le
premier degré de son enseignement.
Dans l'Ecriture, le deuxième degré s'appelle: la
maison.
Le troisième degré, c'est la route, c'est la
montagne; c'est la route, qui est sur la montagne qui va vers le
sommet. Mais même l'homme arrivé au sommet de la
montagne se tient au bord de la mer, dans cette attitude humble
où il sait qu'il n'a rien en lui qui puisse le sauver, sinon
la présence de l'Esprit Saint, et la force de la
résurrection, qui n'est pas de lui.
Il est dit dans le chapitre 4 que Jésus se tient au bord de
la mer, qu'il a commencé à enseigner au bord de la
mer:
"Et de nouveau il a commencé à enseigner au bord de
la mer
et s'assemble auprès de lui une foule très nombreuse
si bien que lui étant monté dans une barque s'est
assis en mer
et que toute la foule se trouvait près de la mer sur la
terre
et il leur enseignait en comparaisons beaucoup de choses"
Il raconte une histoire
"Et il leur disait dans son enseignement:
Ecoutez, voici:
Celui qui sème est sorti pour semer....."
(Dans son livre "La Parole est tout près de toi", Bernard
Frinking développe ce thème des niveaux de
pédagogie. Reportez vous dans son livre au chapitre 13 )