Le Shabbat
extrait du livre : " Jésus Juif
pratiquant"
un livre de Frère Ephraïm
fondateur de la communauté des Béatitudes
"Vayekhal Elohim bayom hashevii melakhto asher assa vayishbot
bayom hashevii", et il acheva, Dieu, dans le jour septième,
l'oeuvre qu'il avait faite. Et il se reposa en elle, il se reposa
dans ce jour. Après avoir rendu l'esprit, Jésus reposa
sa tête, Jésus entra dans le repos de Dieu. Nous
pourrions poursuivre ainsi ce midrash, comme nous l'avons
commencé, en découvrant que l'emploi du temps de
Jésus n'est pas indifférent, que ses gestes sont
différents selon les jours et qu'en réalité il
garde et sanctifie le shabbat. Nous pourrions même examiner un
récit de la multiplication des pains où l'on peut
compter sept séquences correspondant chacune à une
oeuvre, à un rythme, à un jour de la Création.
Donc Jésus se reposa lui-même en observant le shabbat
d'une façon extraordinaire dans ce qu'il convient d'appeler
"le shabbat central de l'histoire". Comme le Père s'est
reposé le septième jour, Jésus entre dans le
repos du Père le septième jour. Ce mystère doit
nous éclairer sur la signification profonde du repos, qui
n'est pas absence de travail mais au contraire plénitude
d'être, paix, shalom.
Shalom veut dire, en fait, "ce qui est entier". Or, celui qui est
dans la paix est celui qui est entier, celui où tout ensemble
fait corps, c'est l'être qui n'est pas éclaté,
qui n'est pas disjoint, ce ne peut pas être l'homme qui a la
tête au bureau, une partie de son corps au lit ou à
table et une autre partie de son être dans les loisirs. Celui
qui est dans le repos ne peut être que celui qui est en Dieu et
notre repos ne sera total que dans le Royaume. C'est pour cela qu'il
est écrit que "nous devons entrer dans son repos", dans cette
paix qui surpasse toute intelligence et qui implique une joie, une
jouissance, "oner shabbat", la jouissance de Dieu dans le Face
à face
Cette joie, cette jouissance, ce goût de Dieu sont
évoqués dans le shabbat par la qualité et le
goût des choses que l'on mange. Il est absolument indispensable
de manger de bonnes choses pendant le shabbat, et c'est un
commandement.
Dans un roman de Singer sur les Juifs de Pologne, au siècle
dernier, où la misère était si grande que les
ouvriers devaient travailler seize heures par jour, on lit que le
shabbat était respecté par l'arrêt de toutes les
usines et de tous les travaux. Les Juifs imposaient aux patrons
chrétiens le shabbat, toutes les économies de la
semaine passaient dans les trois repas du shabbat, et cette existence
de "bêtes de somme", cette "vie de chien" était
transfigurée le soir du shabbat.
Un autre livre intitulé "La flamme du shabbat", que l'on
trouve un peu partout maintenant, relate aussi cette vie
épouvantable pour les Juifs de la campagne, où la terre
et ses saisons étaient terribles, la famine presque constante,
où l'homme avait si peu de dignité, esclave, soit des
patrons, soit de la nature elle-même. Mais le jour du shabbat,
ils s'habillaient de blanc, eux, leur femme et leurs enfants, et ils
achetaient le poisson avec l'argent grignoté chaque jour de la
semaine en vue.du shabbat : ce poisson qui symbolise le
léviathan, le péché, que l'on va dévorer,
car il y a aussi beaucoup d'humour dans le shabbat. Au milieu de la
vie la plus dure, l'homme goûte ce plaisir, ce devoir du
plaisir, ce devoir de jouir de ce que Dieu a fait pour lui . Les
délices du shabbat sont un avant-goût du Royaume
retrouvé.
Dans cette anticipation du Royaume, l'homme reprend toute sa
dimension, il redevient prêtre, il redevient liturge. Il faut
que chaque père de famille redevienne le liturge de sa maison,
qu'il puisse imposer les mains à ses enfants et les
bénir. Tous ceux qui ont été bénis par
leur père dans leur enfance se souviennent toujours de ces
gestes de bénédiction, de même que ceux qui ont
été marqués du signe de la croix par leur
père, non seulement au moment de leur baptême mais aussi
tout au long de leur enfance. Ces enfants se souviendront toujours et
ils auront pour toujours une image du père semblable à
l'image de Dieu et l'image de Dieu semblable à l'image du
père. Combien d'hommes aujourd'hui ont du mal à
reconnaître en Dieu un Père, parce que cette image n'a
pas été transmise par leur père ?
Et chaque femme, chaque mère de famille doit ressembler
à cette mère juive, cette yiddish mama, qu'a
été la Vierge Marie qui, tous les soirs de shabbat de
l'enfance de Jésus, allumait les chandelles, posait ses mains
au-dessus de la lumière, les retournait vers elle
séparant ainsi les ténèbres de la lumière
et méditait sur cette lumière qui brillait au bout de
ses doigts.
Nous ne pouvons vraiment comprendre le dimanche, en fait, que si
nous vivons le shabbat, non pas forcément dans toute sa
rigueur car nous sommes entrés dans l'ère de la
liberté spirituelle, mais du moins en le gardant dans notre
coeur, en gardant ces valeurs fondamentales de nos racines. C'est en
saisissant toute la valeur du shabbat que nous entrons
véritablement dans le dimanche.
Extrait de "Jésus Juif
pratiquant" - pages 243-245 -
F. Ephraïm - Le Sarment-
Fayard
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