À propos du vêtement.......
"LE COSTUME DANS LA VIE DES FEMMES"
Quand on
cherche à se représenter l'aspect
extérieur de Marie, on se laisse consciemment ou
inconsciemment influencer par les différentes
images que l'on a pu voir un jour ou l'autre. On imagine
presque toujours Marie portant un voile qui ressemble
à peu près à celui que portent
aujourd'hui encore beaucoup de femmes en Orient. Ce voile apparaît
aussi comme un signe distinctif sur un très grand nombre
de statues de Marie. C'est donc de lui qu'il nous faut d'abord
parler.
De la lecture des écrits bibliques et
extrabibliques il ressort avec certitude que les femmes ne
paraissaient en public que « couvertes »,
c'est-à-dire la tête enveloppée. Mais
en quoi consistait cette coiffure ou ce voile? C'est ce qui
n'apparaît pas clairement. Si l'on voulait
désigner la coiffure portée alors par
les femmes de Palestine en la comparant à celles
que nous connaissons, on pourrait peut- être dire
qu'elles portaient toujours un voile tombant à l'arrière
et aussi, dans certains cas déterminés, une sorte de
bonnet. Au cours des temps, l'usage s'est vraisemblable- ment
établi de réunir en une seule coiffure deux
pièces jusqu'alors distinctes, le bonnet et le
voile. C'est un fait que l'on constate fréquemment
dans l'histoire du costume féminin. Le bonnet et
aussi spécialement les cheveux, que l'on disposait
en tresses ou nattes, s'ornaient volontiers de petites
plaques, de barettes, d'anneaux et d'étoiles qui, selon
les moyens de chacune, étaient en cuivre, en argent, en
verre ou en or. Toutes les femmes, même les femmes pauvres,
portaient une parure. Peut-être consacraient-elles déjà,
comme c'est encore maintenant la coutume, les revenus de leur
dot, qui étaient leur propriété
personnelle, à la parure de leur tête. Le
nombre et la valeur des ornements dépendaient
naturellement des moyens de chacune.
Un ornement qui plaisait
particulièrement aux femmes était la
« ville d'or », consistant en un bandeau ou une cou- ronne
où était gravée l'image de la ville de
Jérusalem. Les hommes attentionnés
rapportaient en souvenir à leurs épouses
et à leurs filles, de leurs pèlerinages
à Jérusalem, des couronnes de ce genre.
L'industrie des souvenirs consti- tuait pour le lieu de
pèlerinage qu'était Jérusalem une
excel- lente source de revenus; l'habitude voulait
même que l'on achetât toute sorte d'objets
au cours des pèlerinages.
La coutume de
paraître en public la tête couverte était particulièrement
stricte pour les femmes mariées. Si une femme,
s'affranchissant de cette loi des convenances, se présentait
en public la tête découverte, on
considérait son geste comme un
déshonneur personnel pour la femme elle-même
et comme un outrage infligé par elle à son
époux. A l'époque qui
précéda le Christ, cette question avait une importance
juridique, car, si le cas se présentait, l'époux avait
par là-même le droit de renvoyer sa femme.
En
s'appuyant sur ce principe, les docteurs se demandent si une
femme a la tête couverte quand elle porte sa corbeille à
filer, nous dirions aujourd'hui sa « corbeille à
ouvrage » sur la tête. Certains
affirmaient que c'était suffisant pour séjourner
dans la cour; d'autres le niaient. Le cas n'est pas aussi
étrange que cela nous paraît. Des femmes qui transportaient
une cruche sur leur tête pouvaient de la même
façon poser et porter sur leur tête leur corbeille
à ouvrage. Cette coutume de paraître en
public avec un voile fut plus tard
érigée en loi par saint Paul pour les femmes chrétiennes.
Elles devaient se présenter en publie avec « une puissance
sur la tête », c'est-à-dire avec un
signe faisant savoir qu'elles étaient sous
l'autorité et aussi sous la protection d'un
époux qui répondait pour elles.
Il
semble que, outre cette habitude de se couvrir la tête d'un
voile, une autre mode s'était déjà
introduite en ce temps-là, consistant pour les
femmes à tirer le voile devant leur visage de telle
sorte qu'on ne pouvait à peu près pas les
reconnaître. Cette coutume pouvait donner lieu à
des situations tragiques comme celle-ci : un
grand'prêtre devait juger une femme qui
était accusée d'adultère. Lorsque l'on retira
son voile à l'accusée, il reconnut avec effroi en
celle qui se tenait devant lui sa propre mère. Si
cette mode, qui devait amener plus tard, dans la civilisation
islamique, les femmes à se voiler
complètement, comme on le sait, le visage, existait
déjà au temps de Jésus, il ne pouvait
être question que des grandes villes, comme
Jérusalem, la capitale, et Jéricho, la
station hivernale, mais non des petites localités comme
Nazareth. Dans la campagne, pour des raisons de commodité,
l'usage de se voiler le visage n'a jamais été général
chez les femmes astreintes au travail. On peut donc supposer
que Marie portait un voile sur la tête, comme le
font encore aujourd'hui les femmes en Orient.
Pour le reste,
les femmes portaient, comme les hommes, un vêtement
de dessous et un vêtement de dessus; la différence essentielle
consistait en ce que les femmes employaient de préférence
des étoffes plus fines et de plusieurs couleurs et que leurs
vêtements étaient ornés de galons et de
broderies. De plus, les convenances exigeaient que les femmes
portassent une robe descendant jusqu'aux chevilles. Le
vêtement était maintenu par une ceinture.
Les hommes du peuple portaient, pour des raisons de
commodité, la robe courte; seuls les gens riches et
cultivés paraissaient en public avec les longs vêtements
de cérémonie.
Étant
donné le climat chaud du pays, les chaussures consistaient
la plupart du temps en sandales qui avaient des semelles de
bois ou de cuir tanné. Pour leur donner bon aspect,
on les nettoyait et on les enduisait d'un ingrédient noir
ou de vitriol. Les sandales et chaussures que l'on ne portait
pas étaient suspendues à une cheville ou
rangées à plat l'une à
côté de J'autre. Chez les gens du peuple, elles demeuraient
sans emploi la plus grande partie de l'année, car,
à la maison, les hommes et surtout les femmes et les enfants
marchaient nu-pieds. Beaucoup n'utilisaient les chaussures que
pour se rendre à l'office du sabbat et pendant les
grands pèlerinages. Joseph et Marie étaient tenus
eux aussi de faire des économies et se
conformaient, par con- séquent, à
l'usage général.
Aux femmes qui s'en
tenaient au simple costume du pays s'opposaient celles qui
suivaient la mode. Les particularités de la mode
consistaient en nouveaux usages importés de Grèce
et d'Italie qui se mêlaient aux anciennes habitudes orientales.
En
ce qui concerne les soins de la chevelure, on disposait de
divers procédés qui sont encore
employés aujourd'hui : teintures pour les cheveux,
usage de faux cheveux, divers arrangements artificiels des
tresses. La différence qui existe entre les usages
du temps et les nôtres, c'est qu'il était inconvenant
pour une femme d'aller chez un coiffeur du sexe masculin; les
femmes devaient donc recourir aux services d'une coiffeuse qui
était souvent une intime ou une esclave ou bien les
deux à la fois. De là vient aussi que l'on pouvait
parler des indiscrétions des coiffeuses. Naturellement peignes
et miroirs ne manquaient pas; de même onguents et
pommades. Le travail nécessaire pour coiffer une femme était
souvent long et compliqué; nous en avons la preuve, entre
autres, dans cette expression volontiers usitée :
« con- struire une coiffure ».
La
mode féminine ajoutait aux vêtements habituels
toute sorte d'accessoires et d'ornements destinés
seulement à l'embellissement. Dans cet ordre de
choses, on connaissait et on aimait déjà
les « étoffes ajourées ».
Certaines femmes plaçaient dans leurs chaussures un
sachet de parfum dont la senteur se dégageait avec
les mouvements de la marche. On connaissait
également l'usage des semelles de liège pour rehausser
la taille.
Les « nouveautés »,
provenant des villes pourvues de communications nombreuses, se
répandaient alors, comme aujourd'hui, dans la
campagne. Il est question de colporteurs qui recherchent les
contrées rurales, « afin d'attirer plus facilement
autour de leurs articles les filles d'Israël ». En
général, la vie de la campagne était
plus simple et plus austère; il est certain, en
particulier, que la plus grande réserve naturelle
des ruraux n'exigeait pas que l'on observât aussi
strictement la coutume de se voiler le visage.
Ces
remarques semblent nous entraîner loin de notre sujet;
elles ont cependant leur importance. Le langage édifiant
célèbre souvent Marie comme le modèle
de toutes les femmes en termes si
généraux qu'il ne peut en résulter non
plus qu'une impression très générale.
Celle-ci amène à s'imaginer la plupart
du temps que, à l'époque où vivait la
mère de Jésus, la vie des femmes en
général et celle de Marie, en
particulier, différaient totalement de celle de notre
temps. Les recherches faites montrent, au contraire, avec
clarté que Marie a vécu dans un monde qui,
notamment à cet égard, ne
s'éloigne pas du monde actuel et de celui des
différents siècles autant qu'on pourrait le
croire. Si ce n'est pas faire acte essentiel de
piété, c'est cependant faire œuvre
utile que de se représenter Marie au moment où un marchand
d'onguents venu de Jéricho se tenait à sa porte et
lui offrait ses articles avec cette espèce d'insistance que ces
gens-là ont coutume de déployer auprès
des femmes modestes. Puisque l'on aborde si souvent ces
questions de toilette notamment dans des
conférences destinées aux femmes, il
n'est peut-être pas inutile d'exposer ici un principe clair.
Dans
sa première épître, saint Pierre trace
le portrait de la femme modèle dans les termes
suivants : « Sa parure ne doit pas consister en ce
qui paraît à l'extérieur : cheveux frisés,
bijoux d'or et vêtements à la mode, mais en ce qui pare
intérieurement le cœur d'une créature
humaine; cette par-ure impérissable est un esprit
doux et patient, parure précieuse aux yeux de Dieu
). On pourrait croire qu'en faisant ce portrait,
l'apôtre avait en ue, Marie, la mère de Jésus.
En tout cas, jamais femme n'a réalisé plus
parfaitement cet idéal que Marie.
(Extrait
du livre « La vie de Marie, Mère de
Jésus » de Fr M. Willam - ch. 4)